Pour Leager’s et Sheldon
Vous n’avez jamais rien encensé
Que le contenu
De vos coffres forts.
Vous n’avez jamais rien souligné
Que le nombre de vos efforts
Pour les remplir.
Vous n’avez jamais rien remercié
Que ce peuple servile
Portant sur son dos
Tout le poids de vos lingots.
Vous n’avez jamais rien admiré
Que la face froide et souriante
De votre ego,
Au détour d’un buffet dinatoire,
Entouré de corbeaux,
Quand ce n’est pas l’un d’entre eux
Chassant une miette
Sur votre revers,
Espérant en catimini
Un poste haut placé,
Voire un ministère.
Vous n’avez jamais rien pétri
Que cette glaise à statufier,
Mouvement figé
Sur lequel des pigeons indifférents
Vont y aller
De leurs signatures.
Regardez l’enfant
Qui, dans l’eau de la fontaine,
Pose son bateau,
A la belle voilure.
Lui veut bouger, voyager,
S’envoler, être papillon
Pour butiner,
Etre oiseau pour nidifier
Dans ces contrées inconnues
Où les aurores et les crépuscules
Sont les couronnes des jours.
Il a déjà en lui
Les premières approches
D’une autre richesse
Au-delà de la matière farfouillée,
De la terre torturée,
Des pauvres et des malheureux
Remontant des abîmes
L’huile de vos rouages.
Cet enfant qui resplendit d’innocence
N’a pas d’âge.
Il est.
Et vos « paraître »
Encensés par vos prêtres
Aux sermons bavés
Sur les bancs des élites
Ne sont pas loin du naufrage.
Et dans les rues les masques
Censurent les sourires.
Le verbe vivre
Est tombé dans l’escarcelle
Des pharmacopées,
Pièces de maux nés,
A la valeur dévaluée
Par des voleurs vociférant
Verbalisant tous les vulnérables,
Véhiculant leur mal-être,
Vernis des pouvoirs viciés
Saisissons sans tarder
Quelques rubans de brume
De ces aurores automnées,
Echarpe subtile
Des matins fraîcheur.
Soyons ces rebelles
En honorant le Don
De chaque jour
En puisant dans nos âmes éveillées
La flamme du Vivant,
Du verbe être
Et du mouvement,
Ayant murmuré au passage
A cet Hamlet indécis
De laisser tomber la mort
Et d’élever la vie.
Soyons ces rebelles
En remontant les Champs Elysées
Armés de joie, de guitares
Et de chansons,
En laissant nos rayonnements se dévoiler
Pour attirer encore et encore
Les hésitants, les revêches,
Les égarés
Montrons-leur à tous ces potentats
Armés de sérieux,
Ces fomenteurs de crise
Pour asseoir leur pouvoir odieux,
Montrons-leur
Cet horizon
Emergeant une Aube,
Peut-être à 10 000 lieues,
Mais si proche
Avec le cœur et l’envie d’aimer,
Montrons-leur
L’horizon liberté.
Le SDF a du mal à se lever ;
Je l’aide.
Il est debout et commence à chanter.
Le migrant hésite.
Ici pas de croche-pied.
Il tremble un peu
Avant d’accepter.
Je vois un papy en déambulateur
Lever la main, saluer,
Et de son harmonica,
Entonner une marche de gaîté.
Je vois un milliardaire
Comploter avec un dominant,
Manigançant
Pour mettre fin à cette mascarade.
Mais au même moment,
Un enfant,
Un tout petit enfant,
Avance vers lui
Et lui sourit.
De toutes ses dents.
Puis le dépasse
Ainsi que tous les autres.
Il a le choix.
Il aura toujours le choix.
Derrière nous,
Nos pas laissent des traces.
Et derrière,
Les ornières seront comblées.
Par des sédiments
Venus d’océans
De houles et de vents
Du grand mouvement
Du verbe aimer.
Sur la place du village
Le bistro ouvre l’instant,
Petit café, croissant
Les cantonniers balaient les trottoirs
Jonchés d’infos,
De papier toilette
Distribués sous la houlette
Des journaux télévisés.
La marchande de journaux
Se fait du beurre
Avec des fleurs
Et du papier cadeau
Pour emballer l’éclat
Du renouveau
Dans les regards
Et l’envoyer au hasard
Dans d’autres villages
Où l’on suit encore
Les infos.
Dans la campagne autour,
Des chiens-gardiens
Promènent en laisse
Des politiciens
Qui lèvent la patte,
Reniflent dans tous les coins
A la recherche d’excréments de l’Histoire
Ayant forgé leur gloire
Sur de noirs chemins.
Michel Labeaume
St Amé 23 septembre 2021