Le retour de la mère
Oh grands Dieux !
Qu’elle est donc stérile
Cette Terre défoncée,
Déchirée,
Ecorchée,
Où ils ne sèment
Que des banques
Et des usines de chars d’assaut.
Qu’elle est donc stérile
Cette Terre retournée,
Creusée,
Pour y chercher
Ce qui fera la richesse
De quelques corbeaux
Tant pis si sur ces chantiers
De la déraison
Tombent morts
Quelques centaines
De petits oiseaux.
Qu’elle est donc stérile
Cette Terre
Balayée par les vents de l’histoire
Qui vont faire des devoirs de mémoire
Pour marquer les misérables
Comme on marque le bétail
Pour le garder dans l’enclos.
Qu’elle est donc stérile
Cette Terre piétinée
Par des tyrans,
Des dictatueurs,
Autocrates
Et potentats
Suivis de près par ces zélateurs
Qui sèment le malheur
Et l’oppression
Pour être et rester
Avec le Pouvoir
Le Pouvoir des canons.
Mais qu’en est-il de ce brin d’herbe
Ecrasé sous les engins
Ravageurs ?
Qu’en est-il de ces graines enfouies
Dans les replis des ornières
Abreuvées du sang
Des âmes guerrières ?
Qu’en est-il de l’enfant au berceau
Parti dans les bras de sa mère
Enfuie loin de ses terres
Foulées par des tortionnaires
Exécuteurs
D’ordres idiots ?
Tu reviendras jeune mère
Tu reviendras,
Je te le dis,
Tu reviendras chez toi
Puis après quelques larmes
De soulagement
Tu embrasseras ton enfant
Et recommenceras à semer
Sur une Terre fertile
Nettoyée du poison
Lavée, embellie,
Même le sang,
Tout le sang
Sera parti dans l’oubli.
Tu sèmeras d’abord des fleurs
Et puis des fleurs
Et encore des fleurs
Car pour remercier la Terre
Qui s’offre toujours
A ce qu’on la choie
Il faut l’embrasser de graines
Pour des corolles d’émoi.
Tu resteras le soir
Jusqu’au premières obscurités
Avec ton enfant
Qui aura grandi
Et chantonnera doucement
Un petit air de vie.
Ta main sur son épaule
Sera plus grande qu’un arc de triomphe
Elle dépassera en grandeur
Tous les monuments de malheur
Qui faisaient l’arrogance
Des puissances et leurs dévots.
Beaucoup de ces balourds
Espèrent encore durer
Durer, durer,
Creuser, creuser,
Accumuler, accumuler,
Posséder, posséder,
Posséder,
Mais ils ignorent
Que le temps leur est compté
Le compte à rebours
De tous les balourds
Vient de démarrer.
Car ce matin en sortant de chez moi
J’ai entendu le Silence
Me murmurer
J’ai écouté des nuées de présences
Me chuchoter
J’ai offert ma journée
A un chemin de campagne,
Longeant les champs d’hiver
Endormis,
Les forêts mystérieuses,
Côtoyant les herbes givrées,
Devinant dans la brume
Enjôleuse
Les hauteurs des montagnes.
Et de tous ces précieux instants
J’en ai créé
Un bouquet de saveurs
Au parfum de vie.
Oh Grands Dieux !
Qu’elle est donc sublime
Cette Terre fertile
Foulée de milliers de pas nouveaux
Par des semeurs
Au geste amplifié
Du bonheur d’avoir trouvé
Le diamant qui dans leur cœur
Lance des éclats de rires.
Qu’elle est donc fertile
Cette Terre nouvelle
Ayant trouvé sa place
Dans le collier de l’Univers
Parant la Source
De ce joyau de vérité.
Défrichez ces sols envahis
Par des jungles hargneuses
Torturés par des bourreaux.
Il y a tant à faire
Sur ce sol nouveau.