L’habit du Temps
Déniché dans une brocante
J’ai acheté pour trois sous
Un habit du Temps.
Chez moi, dans mon atelier,
Jamais vraiment propre,
Jamais vraiment rangé,
J’ai tendu l’habit du Temps
Et avec une aiguille,
J’ai fait des trous dedans.
Des dizaines, des centaines
De petits trous.
Et dehors, dos au soleil,
Au soleil couchant,
J’ai regardé dedans.
Comme un voyeur,
Un profiteur d’évènements
Qui se voyaient tous,
Bien nets,
Les guerres, les guerres,
Et encore les guerres
Des millions, des milliards
De cadavres,
De combattants, putrescents.
Tous les évènements,
Je vous ai dit,
Tous ou presque,
Le reste n’étant pratiquement
Que boniments.
Les guerres, rien que les guerres
Ça grandit, ça fortifie
Les dominants
Bien entendu ça enfouit
Sous terre,
Les artisans, les charpentiers,
Les poètes, les chansonniers,
Qui vont faire des fleurs couronnées,
Des gerbes de corolles
Posées au sol
Par de silencieux dominants,
L’air grave, l’air important.
L’être humain est une terrible
Créature !
Qui verse des larmes
Pour un dauphin échoué
Remis à l’eau, vivant
Et ricane à pleines dents
Pour le corps noir et immobile
Dans la mort,
D’un pauvre migrant
Ayant fui les dominants,
Après avoir embrassé
Femme et enfants.
L’être humain est une terrible
Créature !
Qui compte sur la politique
Pour le sortir de l’aberrant
Un peu comme si on faisait appel
A un voleur
Pour nous faire gagner de l’argent
Comme si on faisait appel
Aux bonimenteurs
Pour avoir la vérité du moment.
Pendant que les goupils rédacteurs
Passent la brosse à reluire
Autant que la brosse à chiendent
Et que les lecteurs se droguent
A ces mots palliatifs
Rédigés par des hérauts,
Rédigés par des shérifs,
On transpire en canicule
La Terre est en danger
Mais pas les dominants
Et leur éternité
De pouvoir, de richesses,
De surchauffé,
Pas encore ridicules
Grâce entre autres
Au journal télévisé
Mesdames et Messieurs
Bonsoir
Ouvrez vos placards à mémoire
Et rangez bien,
Les femmes de méninges
N’ont plus d’aspirateurs,
Elles ont volé aux mâles
Langués de bois
Quelques copeaux
Et tout ce beau monde
Tout cet immonde
C’est la loi.
Je décroche l’habit du temps
Vais le rapiécer
Dans mon atelier,
Jamais vraiment propre,
Jamais vraiment rangé
J’en fais un baluchon
Y mets ce que je peux
Et quitte à grands pas de Certitude
Ce Monde immonde
Pour vous préparer
Cette Aurore
Que des milliers sont d’accord
Pour la sublimer
Dès à présent.