Sous la pluie

Sous la pluie.

 

 

 

C’est vrai que la pluie fait baisser la tête. C’est vrai que les regards sont égarés dans le reflet des trottoirs, des pavés et c’est vrai que les mémoires sont encore imprégnées de feux de guirlandes et de papiers dorés. On marche à petits pas pressés, éclaboussés par le grand sablier du temps qui coule d’inconnus mouvements, gestuelle des danseuses divines dans les nuées du firmament. Tout semble projeter une certaine mélancolie, creusée dans les ornières de la routine et dans lesquelles parfois s’embourbent autant des valets que des rois. L’écran de l’avenir n’est pourtant pas celui de la télé, ni de l’ordinateur, il est suggéré à toute heure, et même à toute seconde, quand les sourires font mourir la tristesse et que les visages ont la lumière féconde. Les vitrines semblent écartelées entre un passé récent fructueux et un présent soldé comme on se débarrasse d’un objet désuet qui pour nous a vécu. La vieille dame au regard penché, le dos courbé par le poids des labeurs, tire un caddie presque vide, le repas de ce soir sera un simple potage vite avalé, en pensant au temps trop vite traversé, en pensant à son homme trop vite parti, accident de travail, travail de misère, les enfants loin devant et elle seule, laissée loin derrière, bouquet de soucis fanés, les pensées elles continuant de fleurir quelque peu. Les gouttières des immeubles plic ploc en grosses gouttes, la bruine est chef d’orchestre avec le métronome des essuie-glaces. Les terrasses des cafés ont les chaises pliées, les sorties d’écoles sont à peine frivoles, parfois fugaces. Il est vain d’attendre quelque chose qui est inscrit dans le jeu de la vie. Le soleil va revenir, c’est inscrit, alors plutôt que se lamenter d’une météo aussi maussade, faire de ce moment une simple passade en profitant d’avec les divines ballerines du firmament, entamer quelques pas de danse et rire à gorge déployée en repliant son parapluie et prenant le bras d’une mamie, embrasser la ville, embrasser la vie, et bâtir sa joie avec tous ces instants, en étant le torrent qui s’amuse sur les cailloux aussi bien qu’un simple baiser sur une joue.

 

15 janvier 18

 

M.L.

 

 

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