Reptile

Reptile

L’homme tient dans sa main un serpent,

Il le choie, il le nourrit,

C’est son sceptre, son talisman

Avec lui il a le pouvoir

Il domine, il fait peur

Il aurait pu choisir un oiseau

Mais ça ne fait que voler

Un oiseau !

Ça étale sa liberté,

Ca chante dans les arbres,

Ca pépie dans les fourrés

Tandis qu’avec le serpent

Qui se glisse, qui rampe,

Qui hume l’air du temps,

Avec sa langue de vipère

Discret, il est l’auxiliaire

D’un ego grandiloqué.

Le serpent est le silence

Qui murmure un danger

Alors on se réfugie

Dans son abri,

On obéit,

On baisse la tête

On évite de crier à tue-tête

On fait l’indépendant

Face à ce serpent

Alors qu’en réalité,

On est déjà sa victime

L’homme serpent nous brime

C’est une nécessité

Disent celles et ceux

Qui voudraient eux aussi

Tenir dans leur main

Ce serpent

Pour pouvoir pouvoir

Pour dominer

Pour espionner

Se glisser dans les branches

Et gober des œufs

Pour arrêter la liberté

De ceux qui dans les cieux

Narguent ces obséquieux

En se grisant dans le vent

Sous le soleil, sous la pluie

Toujours à l’abri, ou presque

De ce serpent grotesque

Qui se prend pour un dieu.

Mais l’homme serpent un jour sera vieux

Et le serpent va sécher,

Mourir ridicule,

Dans la main de celui qui dissimule

Sa déchéance abhorrée.

La main n’a pas de rides,

De vieux plis, de cals

Toujours bien soignée

Par des zélés fans

Sur la défense

Tremblant d’être châtiés.

La vieille mue est tombée

On a tout balayé

On a tout nettoyé,

L’ego grandiloqué

Ne l’est plus

Il baisse la tête

Dans cet anonyme mouroir

Il n’est plus qu’un nom

On lui apporte un miroir

Et quand il se voit dedans

Sa langue fourchue est vilaine

Et son corps plein d’écailles

Se traîne, se traîne

Jusqu’au bord du Néant

Là où des milliers de serpents

Se jettent dans cet oubli

Se jettent dans ce non-temps.

Michel Labeaume 28 novembre 2022

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