Manif
Il faut remuer la Terre,
L’abreuver de nos sueurs,
Y planter des arbres,
Y planter des fleurs
Et des rires en couleurs.
Il faut se prendre la main
Braver les casques
Braver les chiens
Et les bonimenteurs
Qui transforment nos cris
Et nos espoirs
En ventilateurs.
Se donner la main
Quelle que soit la couleur,
Un seul Peuple pour demain :
Cette Humanité en splendeur
Ne pas crier, ne pas hurler,
Ne pas brandir, ne pas maudire
Nourrir nos espoirs
De ce grand Silence
Qui efface nos mots,
Tous nos maux,
Pour nous offrir un Renouveau.
Pour les médias c’est un malheur
De voir des gens qui rient.
Accros à la merde et ses odeurs,
Ils en ont fait leur paradis.
Il y a deux silences :
Le silence des non-dits,
Un bubon qui se remplit
Et le Silence de la Vie :
Bourgeon de lumière.
Les dominants et leurs cerveaux
Restés sur le trottoir
Ont le mutisme du crevoir
Façonné par des sots.
Viens mon enfant
Vois-tu cette flaque d’eau
Allons y sauter à pieds joints
Pour faire un foin
De petit bonheur d’instant.
Ne regarde pas les balcons
Bondés de veaux,
La mine patibulaire,
Les bajoues pleines de glaires
Enlisés dans leurs bas-fonds.
Viens mon enfant,
Allons à la maraude
Mettre debout les SDF
Et les mendiants,
Ils donneront la main
A nos amis les migrants.
Ça fera un carton
Chez tous ces bien-pensants.
Le cortège avance et se nourrit
De chaleur humaine
Et de certitude
Le cortège du Oui
A la fin de la haine
Et toutes ces turpitudes.
Deux voisines de palier
Qui ne se connaissaient
Que par des rumeurs
S’étreignent et en pleurs
Vont marcher devant.
Loin de là, très loin,
Dans les bureaux feutrés
Des marchands de bombes,
Le mutisme s’installe
On regarde ses mains
Pleines de sang.
Il est temps.
Il est temps
De rejoindre le cortège
S’éloigner des stratèges,
Prendre la main d’un enfant.
Ceux qui partaient, valeureux
Et décidés
A la conquête du Graal,
Croyant qu’il était une épée,
Car pour eux la guerre
Est la destinée,
Sont face à un vide glacial.
Pour eux, tout s’est écroulé.
Le Graal, le Graal,
Le Graal,
Savent-ils qu’à cet instant sublime
Le Graal est dans la rue,
Au creux des mains
Des centaines de mains,
Bientôt des milliers,
Et même peut-être plus encore
Mais n’allez pas chercher ce trésor
Faites-en partie,
Descendez dans la rue
Et tendez votre main à l’inconnu
Le Graal s’enrichira.
Le Graal s’enrichira.
Rien de plus.
Rien de mieux.
Que cette flamme
Tenue
Comme un Dieu vivant
Auquel des centaines
Et bientôt des milliers
Des milliers d’enfants
Vont consacrer leur temps
En marchant ensemble
Vers l’horizon devant.
Il y a un fantôme,
Une chimère
Qui traîne dans les rues.
Et quand l’occasion se présente,
Elle arrache les œillères
Des parvenus,
Des voraces
Qui pètent plus haut
Que leur cul,
Des carriéristes,
Des arrivistes,
Des anticommunistes,
Des bonapartistes,
Des capitalistes,
Des écologistes,
Et toute la suite
De la liste
De ces cyclopéens
Aux œillères trop bien
Fixées
Par l’unique point de vue
Seule valeur sûre
Comme l’est celle du PQ
Quand on va au cabinet.
Cette chimère est là, tout près,
Et dans la seconde qui suit
Elle peut être
A des milliers de kilomètres.
Son œuvre est de délivrer
L’homme de ses carcans.
Elle a le temps cette chimère.
Ou plutôt elle ne l’a pas :
Elle vient d’Eternité.
Les hommes d’argent,
Les millionnaires,
Les milliardaires,
Elle veut les alléger
Du poids de leurs errements,
Afin que vraiment
Ils s’enrichissent
Vraiment.
Autrement.
Les concepteurs
De chars d’assaut,
Porte-avions,
Canons, canons,
Canons,
Que veut dire le verbe
Aimer, quand il sort
De la bouche du canon.
Tous ces engins à tuer
Poussent vers un orgueil
Démesuré,
Une tour de Babel
Avec des morgues
Et des cimetières.
La chimère
Va leur prouver
Que l’orgueil
Peut être une qualité
Quand il s’enracine
Profondément
Pour déployer son tronc
Et ses bras
Et son feuillage,
Œuvre, chef d’œuvre
Caressant les firmaments.
Sois comme l’Arbre
Murmure le Silence,
C’est en enracinant
Ta certitude de grandeur
Que tu pourras toucher
Enfin les hauteurs
Immaculées
Des sommets inconnus
Cachés par la brume.
La chimère va fermer certains livres,
Maladroitement sacrés,
Alors que c’est souvent le lecteur
Qui est à encenser.
La chimère va faire taire
Ces raconteurs d’Histoire
Avec des rois, des princes, des conquérants,
Oubliant sciemment
La douleur des mères,
La douleur des enfants,
La douleur des peuples
Qui auraient tant aimé
Vivre autrement.
Traînes-tu derrière
Ton arroi
Des centaines,
Des milliers de cadavres
Ciment de ton trône,
Homme le Grand
Que le diable en personne
Ne s’y serait pas pris autrement.
Et le plus lamentable
Est de voir ta cour
De parvenus,
Léchant, dociles
Et malléables,
Comme peut l’être
Un serpent à l’affût
Un petit vieux,
Devant sa maison,
Assis sur une chaise en paille
Une main sur le pommeau
De sa canne,
L’autre tenant un mégot,
Voyant passer le cortège,
Se lève péniblement,
Appuyé sur sa canne,
Aussitôt aidé par un inconnu
Et tous deux doucement
Rejoignent le cortège
Ils sont devenus grands
Ils sont devenus beaux.
La chimère
Sourit en les voyant.
Cet écho du Silence
Heurtant les bien-pensants,
Les réalistes,
Les éditorialistes,
Est un fruit offert
Rien qu’un fruit.
Ils en font un poison
Alors que le cortège
S’en nourrit.
Pourquoi ne dites-vous rien ?
L’index sur les lèvres
Est la plume du Silence
Qui écrit son clin d’œil.
A la fin du cortège,
A t’il seulement une fin
Quand on voit qu’à chaque tournant
Il attire des anonymes,
Des musiciens,
Des troubadours,
Des acrobates,
Des Auguste,
Des clowns,
Qui se préparent
A la grande fête
La grande fête de l’Aube,
A la fin du cortège,
C’est un petit enfant
Un Africain
Qui roule au bout
D’une tige de fer
Une boîte de conserve.
Il a les dents blanches
Du sourire innocence
Et l’intrépidité
D’un petit être
Du Futur à semer.
Pourquoi ne disent-ils rien ?
Vous ne savez pas écouter.
Michel Labeaume