Hexagonales

Hexagonales

France, où es-tu partie France ?

Qu’ont-ils fait de toi France ?

Tu étais parsemée de ces rivières

Visitées par des pêcheurs ouvriers

Qui avant l’aube se levaient

Pour être en paix,

En plénitude,

Le mégot au coin des lèvres

Ils ne pensaient pas à la grève

Oubliaient leurs soucis.

Tu étais ces collines verdoyantes

Lascives dans la chaleur d’été

Avec des champs s’étirant à l’horizon

Riches de corolles

Une vie un peu folle

D’être si liberté.

Tu étais ces bars, ces cafés

Où le dimanche matin

Dans le nuage de fumées

Aux odeurs de pastis

Et de bière tirée

On se saluait

On se souriait

On lâchait quelques blagues

Qui faisaient rire l’assemblée

Pendant qu’une pièce était glissée

Dans le juke-box

Et en avant la musique

On pariait à coups de fric

Les numéros du tiercé.

Tu étais ces anonymes

Qui fuyaient vers les plages

Loin de la mine,

Loin des usines,

Et regardaient émus

L’enfant sidéré

Tremblant même

De voir cette étendue

Si vivante.

Tu n’étais pas encore

Politisée à outrance

Comme un cancer vicieux

 Déclenché par l’odieux

Aujourd’hui ma belle France

Ravagée par les non-sens

Dilapidée par des mafieux.

Tu étais ces vergers à l’abondance

Voyant des gamins en insouciance

Chiper les cerises, chiper les pommes

Aujourd’hui c’est risqué

Tout est empoisonné.

Tu étais ces forêts, ces petits bois

Lieux de mystères

Pour les marmots en guerre

Aujourd’hui c’est interdit

Les barbelés piègent le gibier

Abattu par des imbéciles

Payant le prix fort

Pour ramener à la maison

Ce souvenir en or

Tuer la vie

Pour tuer le temps

Qu’en penses-tu France

De tous ces manants ?

Tu étais ces ménestrels

Ces Ferrat, ces Brel

Pleurant l’amour de la vie

Avec des mots d’émoi

Des mots de cris

Aujourd’hui la souffrance

Dans le rap des banlieues

Crie en désespérance

Où est parti Dieu ?

Tu étais aussi j’en conviens

Ces ouvriers foutus

40 ans d’usine

Une retraite de douleurs

Parfois si brève

Et la rancœur

Tapissant les murs.

Tu étais ces montagnes

Ces vallées,

Ces beaux endroits perdus

Ces champs de blé

Encore purs de simplicité

De sérénité

Qui aujourd’hui dans la frénésie

Des développements

Subissent l’hérésie

La laideur de l’argent.

Tu étais ces villages

Aux parfums de terre

De fumier fumant,

De braiments

Meuglements,

De vie tout simplement

Avec le charme fleuri

Des petits bistrots, des mamies

Allant à la fontaine

Chercher de l’eau

Pendant que sur le fourneau

Mijotait un plat succulent

Qui allait ravir

L’homme revenant des champs

Aujourd’hui les néo-ruraux

Beuglent comme des veaux

Quand un coq s’égosille

Si fier et haut perché

Le roi du poulailler.

Ah la France des marchés !

Des marchés fleuris

Des étals achalandés

Avec des petites mémés

Tirant leur caddie

Pour quelques poireaux

Et un bouquet de fleurs

Aujourd’hui

Les marchés sont financiers

Et quelle horreur

Ils vendent des fruits pourris.

Ah ma belle France

Celle de ces coins perdus

Où des médecins reconnus

Apportaient leur savoir

Pour soulager les maux

Repartant souvent

Avec un lapin

Ou quelques gâteaux

Aujourd’hui Big Pharma

Les a menottés

Ils triment au rendement

Et dans les hôpitaux

Surchargés de boulot

Ils souffrent de ces malades

Ayant éventré l’hosto.

Finalement

Je ne leur en veux pas

Pas vraiment

A tous ces nantis,

Tous ces pouvoirs

De t’avoir meurtrie

Je leur dis simplement

Qu’ils se méprennent

Qu’on ne fait pas un beau pays

En méprisant la Vie.

Réveille-toi mon petit

Il ne pleut pas

Il fait encore nuit

Je vais te faire rencontrer

Des couleurs d’aurore

Semant le verbe aimer

En nous offrant tous ces trésors.

Pour la vraie liberté

Michel Labeaume

 

 

 

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