Vois-tu mon bonhomme

Vois-tu mon bonhomme

 

Vois-tu mon bonhomme, ce que tu as devant toi n’est pas vraiment une femme. C’est bien autre chose, de plus complet, de plus mystérieux même mais là j’empiète dans un domaine dont tu n’imagines pas les horizons, les montagnes et les lumières. Ce que tu as devant toi est avant tout un être vivant accompli. Je suis une femme ayant vécu mille et une joies, mille et une détresses, mille et une colères. Colères en voyant mes enfants enrôlés dans des jeux de massacre pour des pouvoirs somnambules et revenant soit estropiés, soit ne revenant pas. Ce monde masculin je pense touche à sa fin. Que n’est-il temps. Je suis une femme qui a eu le dos brisé par les travaux, l’être en loques mentales devant toutes ces mascarades, ces aveuglements, ces courses à la richesse (ou courses à l’échafaud, c’est pareil) car ils ont perdu la tête ceux qui bavent d’envie et écument de rage et de haine face à un ennemi qu’ils ont eux-mêmes façonné. Nous les femmes sommes restés en arrière comme on met au coin l’élève le plus nul ou on a laissé le chien le plus mauvais au chenil pendant que ses compagnons partaient à la conquête des pistes enneigées. Mais attention, mon bonhomme, ce n’est pas que nous étions jalouses, mais obligées d’accepter cet état de fait, le corps chargé de tourments en vous regardant vous perdre. Il y avait dans nos silences bien plus de mots que dans toutes les bibliothèques réunies. Et c’est dans nos silences que nous échangions du réconfort. Difficile à comprendre. A admettre. Mais par-delà toutes ces périodes, au-dessus d’elles bien plus haut, il y a eu la brûlure du soleil sur notre peau. Il y a eu les éclats de rires avec nos hommes, nos enfants, nos parents et nos amis et nos voisins. Il y a eu des nuits très longues, des journées trop courtes, des façonnements d’histoires comme un potier est sur son tour, des naissances et des deuils, des maladies et encore des rires et encore des travaux presque jusqu’à l’épuisement. Il y a eu des trop longues périodes de pluie comme si un géant tressait ses larmes pour en coiffer nos têtes courbées. Mais il y a eu ces longues nuits avec ou sans lune, à la chaleur d’un feu de camp crépitant avec quelques petites joies comme des étincelles d’étoiles. Je ne sais plus mon âge, mon bonhomme et je m’en fiche. Ce que je voudrais   que tu comprennes, c’est qu’en regardant en arrière ton existence, tu dois comprendre que les périodes les plus difficiles ont été celles où le Maître était le plus présent. Et les périodes les plus belles ont été plus proches de la réalité, celle que chacun d’entre nous désire tant. Vois-tu mon bonhomme, mon corps est parchemin sur lequel s’est écrit mon histoire. Et ce parchemin, j’en suis fière, j’en éprouve un orgueil comme un chêne centenaire l’éprouve en remerciant le Ciel. Et c’est pour cette raison que ce parchemin va écrire une autre histoire avec celle qui l’a façonné. Vois-tu mon bonhomme, la vie, la Vraie ne sera jamais posséder. Si un jour tu te retrouves seul face à la Nature, pose-lui la question sur l’Essence-Ciel. A un moment donné, tu vas crier « Je n’entends rien !!! » en n’ayant pas fait le lien entre ta question et ton regard admirant la réponse.

 

M.L. 19 mars 18

Femme2

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