Une petite fille
Les Français en ont ras le bol des politiciens. Les politiciens ne sont pas dans leur assiette. Les médias les servent sur un plateau. Les policiers, sans cesse sur le terrain, sont à ramasser à la petite cuillère. Les uns et les autres sont à couteaux tirés. Les gilets jaunes voyant rouge sortent des couverts. Les ministres sortent du palais avec leurs serviettes remplies de dossiers. Ils sont au bout du rouleau. La nappe, sur la table des négociations, est pleine de graffitis. Les retraités restent en carafe. Les ouvriers, les prolétaires font les fonds de tiroirs pendant que les dominants, chouchoutés par des armoires à glace, lèvent leurs verres à la santé du fric, bien à l’abri. Les ménagères ruminent à force de devoir faire des économies de bouts de chandelle à la lumière d’un écran télé vomissant ses obscénités. Dans les gargotes, les vieux plongeurs prennent de la bouteille, pestant en silence en nettoyant la vaisselle des privilégiés. Les énarques sortent des cabinets pour aller à la chasse dans la forêt de Rambouillet, souriant en prévision du dîner du soir qui restera dans les mémoires avec des plats du terroir qui feront travailler les mâchoires, activités masticatoires de nos dominants proférant des inepties superfétatoires. Dans les couloirs de l’assemblée, les conciliabules vont bon train pour faire en sorte d’être dans le bon wagon, ces hauts lieux du pouvoir m’obligeant à dire que ces locaux motivent. Et dehors, sur un bout de trottoir, une pauvre fille chantonne en retenant ses larmes, ou bien est-ce la pluie, devant elle à terre une soucoupe avec quelques pièces de menue monnaie. D’ici une heure, elle sera embarquée par des policiers ; afficher sa misère dans une nation en pleine croissance est une offense à la bienséance ; il faut tenir la cadence profèrent les Vocifer qui du haut de leurs chaires, la mine altière, bavent sur leur brassière, la fleur du mérite à la boutonnière, applaudis lamentablement par des anesthésiés à la langue de bois. La petite fille sera délivrée par un poète s’étant fait passer pour son père qui l’emmènera au fond d’une forêt d’arbres étonnants de beauté, dans une clairière où la lumière est auréolée d’un sourire venu du firmament. Des fées et des lutins tendront leurs petites mains à la jeune fille et le mystère aujourd’hui encore demeure quant aux chants de bonheur entendus à toute heure dans tous ces lieux semés d’espoir et d’amour.
M.L.