Toujours

Toujours

Il y aura toujours ce promeneur serein et débonnaire au milieu d’une foule anonyme se pressant pour aller au bureau, se dépêchant pour arriver à l’usine, pesante routine d’un servage millimétré. Il y aura toujours de ces silences, arrivés ici ou là en pleine campagne comme des ovnis. Les champs de blé jouant à peine avec le peu de vent, le cri de la buse ne le déchirant pas mais le soulignant. Quelques rayons de soleil traversent un ciel couvert pour auréoler l’instant. Dans les charmilles, l’oiseau chante doucement ; le chant du présent. Il y aura toujours au fond de la classe ce cancre rêveur, le regard perdu au-dehors, jusqu’au bois tout près, là où des mystères et des trésors n’attendent que ce chenapan pendant qu’au tableau noir, devoir de mémoire, les batailles d’antan. Il y aura toujours cette jeunesse à la sortie du lycée, insouciante, riant sa liberté pendant que là-haut, tout là-haut, dans les palais des décideurs, on discute afin de prononcer intelligemment les restrictions, les confinements, les hausses des prix remplissant les trottoirs. Tout en ignorant les EHPAD devenus crevoirs, les hôpitaux où des malades soignent des malades, les burn-out fleurissant comme des mauvaises herbes dans un champ de roses, leur parfum devenant morose, le poète jetant sa prose dans un trou béant. Il y aura toujours ces larmes de bonheur dans les yeux de la jeune maman serrant contre son ventre le nouveau-né, enfant de vie, enfant venu faire une exploration du temps pendant qu’au-dehors les obus bio pleuvent aux quatre coins de cette planète ecchymose, pleine de plaies où la nécrose fait l’évènement. Il y aura toujours quelques consciences s’ouvrant délicatement pour ne pas heurter et se préparant à souffler ce murmure de l’écho provenant du sommet des sommets, pour l’être, pour l’humain, tout simplement. Afin qu’un jour enfin il les gravisse avec joie, avec ravissement.  Il y aura toujours ce jour de marché, sur la place pleine d’étals et grouillante de gens se saluant, discutant le bout de gras ou même allant boire un petit blanc, une mamie courbée par les ans, tirant son caddie, à peine rempli de quelques poireaux, un bouquet de fleurs et un morceau de pain blanc. Elle aura toujours les yeux perdus au sol, sol pavé, là où les siècles ont donné une patine, l’histoire des petites gens. Il y aura toujours ce simple mot (abrutissement) surgi de nulle part au moment où le téléviseur devient un trou noir dans lequel se sont engouffrées les étoiles du moment. Tout cela pour vous dire que la réalité ce n’est pas uniquement le pire mais également ces êtres innocents se fondant dans la masse ou passant insouciants. Ne vous focalisez plus sur ce qui jaillit des écrans. Ouvrez vos ailes, l’envol est imminent, surtout quand on a compris en quittant les aires des vautours, les nids de vipères, que la vie cela peut être une immense corolle ou chacun est grain de pollen qui se laisse porter par le nouveau vent.

Michel Labeaume

Date de dernière mise à jour : 30/10/2023

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