Témoin de l'Aube

Témoin de l’Aube.

                Il y aura une ribambelle d’étincelles à naître et traverser les esprits et les regards. Les uns seront hagards, les autres muets et quelques-uns cris. Les artistes au-delà de toute conception de leur domaine, chercheront avec cette pulsion de joie, cette flamme vigoureuse transcendant leur être, à franchir le no man’s land entre l’ancien monde, encore vivant, même si moribond, et le nouveau, se présentant offert à cette Humanité. Face à la vieille Histoire présentée en une lourdeur barbare, armée jusqu’au tréfonds des ego et des haines, il y aura cette Porte ouverte, cette Porte conçue par mille charpentiers offrant aux foules debout un seuil resplendissant.   A franchir. Sans s’arrêter. Ni surtout regarder en arrière. Oh bien sûr, on entendra encore par ci par là quelques traders impudents se précipiter parmi les gens en brandissant leurs plans d’actions pour se faire de l’argent. Beaucoup d’argent. Il ne faudra pas les arrêter. Ni même leur faire un croche-pied. Les laisser courir jusqu’au bout de leurs forces absurdes. Les laisser chuter. Et enfin leur tendre la main s’ils consentent à ouvrir la leur et laisser s’envoler leurs plans d’actions pour accepter d’être debout. Parmi les leurs. Les poètes auront d’abord du mal à comprendre comment leur crayon peut-il à ce point devenir source d’où s’écoulent des rivières si pures, des torrents si impétueux, accompagnés dans leur liesse par des vols d’oiseaux dessinant dans l’azur des farandoles de bienvenue. Les peintres hésiteront un long moment, le fourmillement de leurs idées de création, comme des bouquets de feux d’artifices leur faisant se mélanger les pinceaux. Ils devront se poser, s’arrêter quelques instants, réapprendre à respirer pour reprendre des couleurs. Oh bien sûr, on entendra encore par ci par là des orateurs aguerris vociférer leurs philippiques essayant de rameuter les refus, les hésitants, les crânes rasés aux muscles saillants d’illusions. Il ne faudra pas tenter de les faire taire. Ce serait leur fournir encore plus de volonté pour crier encore plus fort. Quand leurs voix seront éteintes, même si d’autres prennent la place, à leur tour ils subiront l’extinction de voix. Mais sûrement pas celle de la Voie. Sûrement pas. Là, quelques enfants restés en arrière leur tendront la main s’ils consentent à ouvrir la leur en laissant s’envoler les pages d’une Histoire macchabée. Et se relever. Au milieu des leurs.  Les sculpteurs quant à eux seront assis dans leur atelier, triturant l’argile en réfléchissant à la beauté qui peut en sortir, ou immobiles et absorbés devant la pureté du bloc de marbre, se présentant comme un fantôme voulant renaître à la lumière de son créateur. Les musiciens, compositeurs, chanteurs devront se déchaîner de leurs rimes et chants d’espoirs et de souffrance, afin qu’une fois libérés de ces boulets, ils puissent concevoir tout en étant légers, concevoir en allant jusqu’aux octaves invisibles pour faire vibrer les âmes délicieuses. Les littérateurs auront fort à faire pour ces nouveaux rayons, vierges d’audaces lumineuses, pour les remplir petit à petit d’ouvrages à compulser le cœur léger, laissant l’encyclopédique mémoire des combattants aller jusqu’aux brocantes de l’oubli. Oh bien sûr, on entendra encore par ci par là dans ces émissions littéraires un tant soit peu précieusement ridicules, quelques auteurs faire montre de leurs convictions rationnelles, abhorrant ces nouveaux venus à grands coups de verbiage intellectuel afin de montrer la puissance de leur statut. Mais la lourdeur sur son socle ne sera jamais éternité.

                La Nature qui jusque là n’avait été perçue que comme un espace à conquérir, quitte à l’enlaidir pour soi-disant s’enrichir, est désormais appréhendée avec un nouveau respect, car avec sa seule certitude elle aura réussi à faire de l’homme son serviteur qui, à présent maître de lui-même a compris la valeur d’un verger si l’on veut vraiment de vrais fruits. Et de déforestations en pillages et massacres immondes, s’est substituée cette valeur primordiale : l’Homme est passager de la Création qui se doit de la conquérir avec le cœur et l’âme afin d’en faire profiter les suivants. Rien n’est plus beau qu’un matin de printemps.

Michel Labeaume.

7 mars 2021

2 votes. Moyenne 5 sur 5.

Ajouter un commentaire

Anti-spam