Récit d’un inconnu.
Ô toi le quidam, assis à la table d’un bistrot lointain, égrenant dans cette thébaïde de nulle part le désespoir d’un amour perdu. Recluse en toi, ton âme se replie. Tu remues un café qui n’est plus que tiède, comme ton cœur semble l’être aussi. Pourtant, surgit d’au-delà de cet horizon intérieur un semblant de sourire, juste un petit segment, un grain, vivant pourtant. Mais tu le refuses car tu en as peur. Sempiternelle crainte des hommes qui se trainent alors dans le refus. J’irai jusqu’à te mouiller de son écume, de cet océan inconnu qui te fait face. Ton âme en a senti le parfum. Fragrances de bonheur, de non-temps, fragrances de félicité, auréolant ta bien-aimée dont le visage d’abord se dessine au-dessus de l’immensité, en filigrane peut-être, mais elle est réalité. Alors tu finiras ta tasse, ou presque, même froide. Et, après avoir payé, tu remercieras la patronne t’offrant un sourire timide. Tu n’en as pas conscience, mais tu impressionnes. Il faut dire que la lumière émanant de toi, ce rayonnement d’amour et d’émoi, projetés d’un vœu céleste par un regard presque inconnu, sont puissants. Dehors, le vent claque en rafales et plie les cimes. Une pluie fine arrachée de nues noircies ajoute à la mélancolie une aura de mystère. Ton sac sur le dos, tu prends la route. Ton âme est debout. Le visage de ta bien-aimée se fait plus net, plus précis. Il te fait face en ton esprit. Il sourit. Plus beau. Tu prends la route. Plus tu avances, plus derrière toi, de longues traînées de doute dépérissent sur l’asphalte mouillé. Ta marche s’assure. Alors ton esprit s’allège, ton âme s’illumine et dans tout ton être tu découvres une vérité depuis bien trop longtemps enfouie. Tu sais (à présent) que ce qui peut te faire trébucher, c’est un regard en arrière. Tu n’as ni téléphone, ni podomètre, tu possèdes le sommet de la colline. Tu en fais partie. Tu possèdes ces nuages gris blanc s’enfuyant vers l’Est découvrant des trouées d’azur. Tu en fais partie. Tu as presque envie de chanter. Ton cœur bat plus vite. Est-ce cette marche, un peu accélérée ou bien cette joie s’ouvrant comme une corolle un matin de printemps. Là, pourtant, c’est le début de l’automne. Mais qu’importe le temps quand notre guide a le sourire de l’Eternité. La pluie a cessé. La marche sera longue. Les pauses nécessaires et les rencontres préparées. Et les rires et les pleurs à consoler, la vie la vraie vraiment à saisir par la certitude pour avancer vers d’autres sommets, découvrir un univers où la guerre fait partie du passé, où la lumière est ce bâton de pèlerin sans cesse sur les chemins. Parfois aussi, assis à la table d’un bistrot, à goûter un café chaud en riant intérieurement à écouter les boniments et autres brèves de comptoir. Ils vont peupler ta mémoire comme des lutins dans ce monde connu : celui tout autour, celui des étoiles, des planètes et des peuples élus.
M.L.