Nous, les gens de la rue
Il faudra bien qu’ils y viennent, à cet ensemble, ensemble harmonieux de disparités, non plus le poing levé mais main dans la main pour concrétiser cet avenir à sublimer. Pourquoi ne pas oser ? Pourquoi, au lieu d’ignorer son voisin, ne pas en faire un ami, un compagnon de route sur cet itinéraire des horizons de lumière et tant d’autres choses à choyer ? Marcher ensemble dans cette nouvelle positivité au lieu de s’abêtir à gober les propos des cancrelats à la bave de travers. Se découvrir, se faire confiance, se saluer quand les dominants, comme des gamins trop grands dans une crèche se chamaillent, prêts une énième fois à se faire la guerre. Se lever un matin d’hiver pour aller découvrir la prairie aux plantes givrées, aux toiles d’araignées perlées, aux senteurs d’un silence reposé charmé d’une aurore riant aux éclats. Au lieu de foncer à Lidl pour happer avidement le pot de Nutella à un euro. Ecouter et deviner dans les charmilles les premiers chants d’oiseaux. Redécouvrir la France de Ferrat au lieu de s’abrutir aux prêches stériles de ces ambitieux du pouvoir. Ce sont nous, les gens de la rue qui bâtissons cette France, non les grandes entreprises, mais le sourire de l’inconnu qui entre dans un café et participe quelques minutes plus tard aux brèves de comptoir pas piquées des vers. Ce sont nous, les gens de la rue, qui pouvons écrire les bases d’une nouvelle Histoire, au lieu de s’injecter celle, stupide, des grands chasseurs ayant abattu tant de lapins, tout ça pour un trône redoré par ces gens de la télévision ignorant le peuple comme on ignore un étron. Que de tromperies ici et là, parsemées par tant de gougnafiers se croyant maîtres du Monde alors qu’ils ne sont que quelques asticots se vautrant dans l’immonde. La valeur humaine se mesure entre autres aux pluies de mensonges dont l’homme de la rue aura su s’abriter. Il faudra bien qu’ils y viennent à se découvrir naissants et par cet acte du passé découvrir ses origines et faire fi de l’horizon bouché en déchirant le voile des déraisons pour apercevoir un nouveau Monde, un Univers à encenser. Pendant que les canailles se pavanent à la proue de leurs grands voiliers, la lunette dirigée vers ces sempiternelles illusions, faisant couler le sang, abreuvant les sillons, les gens de la rue deviennent un chorus au refrain entonné par l’Homme nouveau : Oui au Monde que nous voulons plus beau.
Le cortège continue sa marche provocante quand un papy, sur le seuil de sa maison frappe fort le sol avec sa canne en poussant un Boudiou ! et s’avance. Un des derniers manifestants vient l’aider et voilà le cortège changeant d’allure pour être à celle de celui semblant être le plus décidé.
Michel Labeaume
1.01.22