La mansuétude du brin d'herbe

La mansuétude du brin d’herbe.

                Es-tu sûr de ne pas pouvoir accepter l’éclosion de la Vérité ? Surgie de vos néants quotidiens un peu comme l’étoile d’argent perce le manteau blanc des hauteurs. Dominant, tu divagues dans des labyrinthes conçus par des domestiques pour égarer ton peuple déambulateur. Ne vois-tu pas que toi aussi tu es perdu ? Non seulement tu l’as conçu ce dédale d’imbroglios mais toute ton âme, tout ton être est écartelé en eux. Et de ce fait, tu en martèles du poing l’unique vérité, ta harangue cherchant encore à enfoncer le clou dans l’esprit des hésitants. Tes cris font une première victime : toi-même. Dans toute aurore comme dans tout crépuscule il y a cet arcane connu des seuls disciples aux mains ouvertes à la fois pour donner et pour recevoir : le non-temps. Ils savent ceux-là qui, debout face à l’horizon rougeoyant, ils savent porter leur regard et leur être au-delà du visuel. Ils savent et acceptent en riant les aiguilles brisées de l’Horloge. Toi, tu es pressé. Tout doit aller vite. Toi et tes collaborateurs êtes pris dans une compétition de laquelle nul ne sortira vainqueur. Le pire est que vous mettez en exergue cette notion absurde de challenge. L’homme qui se persuade de la brièveté de sa vie court à sa perte. Observe (si tu oses ne serait-ce que quelques instants déroger à ta règle) l’immobilité de la prairie dans laquelle le vent un peu curieux vient fouiller parmi les herbes et les fleurs ou chamailleur les fait danser. Observe l’immobilité de la surface de l’étang, s’apprêtant à sortir de son sommeil en laissant son eau rayée par des brindilles de lumière et qu’accompagne en chœur le ramage de quelque oiseau. Tout cela est un régal pour la nourriture des âmes nouvelles et une bagatelle, voire une puérilité pour toi et tes sbires. Il y a tant de lectures dans ces instants ! Il y a même, mais là je sais que tu ne vas pas me croire. Tu vas peut-être hausser les épaules. Il y a même des bourgeons de joie. Ils se laissent ouvrir par celui qui les découvre et enivrent presque jusqu’aux larmes. Toi et les tiens ce qui vous contente, ce qui vous apporte un confort moral passe obligatoirement par l’argent. Quelle perte de temps ! Quelle illusion ! Votre Histoire vous n’osez la regarder en face alors vous avez demandé à des chasseurs de la rédiger et vos places alors sont clouées de grandeurs figées. Ne crois-tu pas qu’il est temps de passer à autre chose ? Si tu veux savoir quoi, ne va pas convoquer sociologues, philosophes, intellectuels et autres blablateurs, va rencontrer ces anciens (ceux que vous nommez primitifs) qui, dans les déserts d’Afrique ou d’ailleurs, de Mongolie, d’Amérique t’accueilleront bien volontiers et sauront appuyer sur tes blessures afin que tu ressentes le mal que tu t’es fait jusque là puis t’amèneront à réfléchir sans te donner la solution car celle-ci est tienne et doit émerger de ton libre-arbitre. Tu vas rencontrer des obstacles, ne serait-ce déjà que ceux de tes amis encore fourvoyés dans leur néant putride. Mais dis-toi bien une chose : On n’apprend jamais seul. L’adversaire est un partenaire (Yeruldelgger). Ô que tu nous rendras heureux quand, descendu de ton piédestal, tu sauras aller vers la vraie Grandeur. La tienne. Ce n’est ni aux spécialistes de tous bords, ni aux ambassadeurs du Savoir d’accompagner ce Monde qui frémit d’impatience, un peu comme le fœtus au sein de la matrice (mais là, la parturiente est la Terre), c’est à tous ces Aylan échoués sur la grève de l’ignorance de se relever pour vous saluer. A tous les Asaad, et autres enfants de migrants aux larmes de désespoir sur une épave balayée par les vagues indifférentes de vous proposer d’embarquer dans la nouvelle Arche avec eux vers de nouveaux rivages. Quand à un moment donné tu seras peut-être curieux et regarderas derrière toi, tu pourras voir dans les sillons de ton Adieu les débris lourds du Passé, CAC 40 et PIB, flotter un instant avant de sombrer dans les profondeurs de la vacuité.

Les bombes ont toujours beau tomber, elles n’empêcheront jamais une fleur d’éclore, une racine de percer le béton et un arbre de lever son houppier au firmament en guise de salut. De remerciement.   

 

M.L.

10.12.2020

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