L’homme à terre.
Au-delà de vos impossibles, juste au-delà, tout près, derrière ce rideau lourd imposé par un réalisme objectif, il n’y a d’invisible que par le refus de voir. L’impossible engendré par un matérialisme d’état, de pouvoir, car de ce côté-là, il permet aux dominants d’imposer leurs concepts de vie uniquement à travers cela, les religions ne servant, elles, qu’à rendre obéissants et soumis des peuples et hypocrites les hommes de pouvoir à la messe du dimanche. L’impossible engendré par des comportements insensés à travers des conflits et des crises qui consolident les trônes et empêchent l’homme de la rue de partir à la conquête de lui-même, de son Graal. Derrière ce rideau aussi lourd qu’une chape de plomb et en même temps aussi léger qu’un voile de brouillard aux aurores, il y a des enfants éclatant de rire en sautant à pieds joints dans une flaque d’eau. Il y a un enfant qui, en forêt vient de découvrir un nid de mésanges et observe, fasciné, les va-et-vient incessants des parents. Il y a une jeune maman donnant le sein à son enfant, image ô combien sacrée de la Vie. Il y a le paysan qui se lève avant l’aube pour travailler sa terre qu’il choie de toute son âme. Il y a l’ébéniste qui fignole son œuvre sur le point d’être achevée (les mains de l’homme font des miracles). Il y a l’oiseau de mer qui, sur les flots appelle ses petits à faire le grand saut pour venir le rejoindre. Il y a la biche qui lèche son petit venant de naître, encore tremblant. Il y a les premiers pépiements timides le matin encore vêtu d’’un voile de nuit ténu. Il y a cette prairie d’herbe fraîche toute perlée de rosée avec ici et là, des papillons immobiles sur des fleurs printanières et attendant, habillés de gouttes de lumière, les premières chaleurs pour s’élancer vers la liberté. Alors voilà, nous connaissons tout cela, allez-vous me dire, hommes de pouvoir, mais je vous répondrai qu’on ne peut apprécier la beauté de la vie avec des œillères et des lunettes filtrant vos jours afin de les débarrasser du non-essentiel, c’est-à-dire tout ce que je viens d’énumérer plus haut. Pour vous, la réalité c’est le vernis de vos trônes et la conquête réussie ou à continuer de vos hautes places desquelles transpire un piteux dédain. Quel gâchis ! Gâchis d’existences passées à s’enliser dans les marais de vos illusions. Quelle sera votre moisson ? Votre récolte ? Posez-vous donc la question ! Et surtout pas à un éminent spécialiste intellectuellement préparé à apporter des réponses dignes de votre rang. Demandez à la jeune maman, à l’enfant heureux, regardez les oiseaux. Vous ne faites que les voir, vous ne regardez pas. Le cœur de l’Homme est un temple de vie. Et la Vie vous aime tant. Ne rejetez pas cet amour. Les temps changent. Une nouvelle énergie est en route. Pour transcender chacun de nous. Dominants, hommes de pouvoir, si vous continuez sur votre voie, vous finirez par vous retrouver derrière, loin derrière le cortège de la joie en tête duquel figurent la jeune maman, les enfants heureux et le tout accompagné par le vol espiègle et jubilant des oiseaux. Votre fardeau sera bien trop lourd pour continuer à le supporter.
Un vieillard tout souriant tend la main à l’homme qui, à terre, vient de lâcher ses dossiers remplis de lois, pouvoirs et décrets.
Michel Labeaume