L’Aube
La mer est étale. En fait, tout semble figé. Pas de vent. C’est la fin de la nuit mais ce n’est pas encore le jour. L’horizon se pare de langues de lumière pâle. Les hautes falaises s’imposent comme des sentinelles silencieuses pendant qu’à leurs pieds, c’est tout juste si les lèvres d’écume viennent effleurer les galets de la plage. C’est la sortie d’une longue nuit mais ce n’est pas encore l’éveil. La lande, en haut des falaises voit s’ouvrir des milliers de regards. Peut-être à peine ouverts, ils sont fixés sur la nuit qui s’étiole, va se faire oublier. Dire que ce fut une longue nuit est un euphémisme. Des tempêtes, des tornades, des tourments sempiternellement entretenus par les déraisons. Longue nuit de cauchemars. Mais à présent c’est terminé. La page se tourne. Bientôt c’est l’aube. Ou plutôt l’Aube ! Ne pas hésiter à magnifier le tant attendu. Il est là, devant ces milliers et milliers de regards qui s’ouvrent comme s’ouvrent des corolles. Certains, les yeux grands ouverts, affichent une hébétude. D’autres pleurent. Des larmes salées. Comme l’amer. Comme la mer dont la surface se ponctue de vaguelettes de lueurs phosphorescentes. Quand le soleil va poindre, ce sera l’ébahissement. De plus beaucoup de ces regards vont deviner derrière les couleurs sublimes de l’Aurore un autre regard. Ils vont le ressentir en eux et cela va les terrasser d’émotion. Ils comprendront ce clin d’œil. D’autres larme viendront. De joie. Au bout de la lande, vers l’intérieur des Terres, une petite maison. Toute petite. Avec un jardin jouxtant. Une vieille dame sort. Elle a un sécateur dans la main et va chercher des fleurs. Pour un petit bouquet. Elle me le tout dans un verre simple, un verre de table. Elle s’assoie devant sa porte, sur un banc. Elle regarde le jour se lever. Son chien sort de la maison et s’assoie à côté de la mamie. Pour demander une caresse. Il en reçoit un bouquet. Le soleil se lève. La lande s’éclaire. Mamy sourit. Soudain le chien aboie. Arrête, dit-elle. Ils ne sont pas encore arrivés. D’ailleurs, tu seras gentil sinon je t’enferme. A ces mots, le chien remue la queue comme pour afficher sa gentillesse. A présent, le soleil est haut. La lande est magnifique. Une petite brise venue du large fait danser légèrement les bruyères et autres plantes. Enfin, le premier cri d’un goéland. Puis un second. Et d’autres, des centaines, des milliers d’autres qui vont être applaudis d’ici quelques instants par des milliers d’enfants, enfants de la Terre. Sortis des gravats. Sortis des tourments.
Michel Labeaume