Hologramme
Je vais m’absenter quelque temps. Ne viens pas me chercher au-delà des montagnes. Ni même dans cette vallée perdue où des oiseaux d’un bleu transparent se nourrissent en vol de la lumière entre deux pauses sur un arc-en-ciel. Où les arbres plurimillénaires tutoient le firmament des firmaments, leurs cimes se balançant à presque toucher les étoiles et se murmurant entre elles des mystères résolus par des êtres de passage. Non des bandits de grand chemin ou des malandrins encore avides de richesses mais simplement des pèlerins de la Joie. Il y a, mais peut-être le devines-tu déjà, dans cette vallée des milliers de corolles se balançant sans même la moindre petite brise. Elles sont le résultat sublime de ces chansons de geste d’autrefois. D’où leur besoin de mouvement dans cet égrégore de beautés. Les héros guerriers, les chevaliers, étant devenus racines avec une ferveur démesurée pour ces corolles vivantes. Les vents, ou peut-être devrais-je dire Aquilon et Zéphyr et bien d’autres, tous au service de l’exultation, chuchotent eux aussi et comme tout y est vivant, chaque constituant reçoit des parcelles de langage qu’il met au propre dans son intime. De plus, d’aucuns ont pu apercevoir, ici et là, un singe faisant Signe. Voilà le Grand Changement, l’anagramme du bouleversement. Je vais m’absenter quelque temps, sais-tu, car il me faut aller aux Origines puiser tant à la source de la Sagesse qu’à celle de la Joie de quoi renforcer ma Certitude. Quelque part, tout cœur évolue dans un désert ne serait-ce que par son éternelle soif. De connaissance. Une fois abreuvé, le porteur repart ragaillardi pour découvrir les maints enseignements au-delà des dunes, et plus loin encore. Bien plus loin encore qu’aucun ne pourra un jour imaginer. Gaïa souffre de baigner dans ces remugles de cadavres, de domination, de pouvoir, mais bien plus encore, d’illusions. Jamais un Monde baignant dans un tel putride n’a été laissé à l’abandon. Plus te voilà errant dans l’Ombre, plus ton besoin de lumière est flagrant. Et c’est de cela aussi qu’il nous faut, toi et moi, et des millions d’autres, nous préoccuper. Vous devez la sentir cette Vérité qui monte, avance à son rythme, sans se presser, sans se précipiter. Les peuples l’ont dans leurs yeux cette lanterne éclairant leurs rêves. Ils la brandissent haut, parfois fort. Ils la veulent comme on désire couper le cordon ombilical ayant plus la lourdeur de chaînes. Tout est fait pour éviter de patauger dans le sang. Il y a quand même un monde barbare à laisser l’histoire dans des mémoires du néant. Et ce, comment agir autrement que par le Verbe ? Si tu veux en être, lecteur, sois certain qu’en tendant la main aux souffrants, aux révoltés, à toutes celles et tous ceux refusant de plier sous le joug, tu deviens Acteur. Acteur de ce nouveau Monde qui se crée, expurgé de ses lourdeurs, ses aveuglances et ses refus. Le Verbe Aimer n’a jamais été un glaive, voire une épée de Damoclès menaçant des innocents. Il n’a toujours été (et le restera toujours) que proposition. Afin que l’initiative, le premier pas, vienne de l’être lui-même. Et moins d’un dominant que du plus pauvre des pauvres se levant un matin, le sourire rayonnant, le cœur et l’âme à l’unisson et avançant sur le seuil de sa masure pour accomplir le premier pas. Il est là le début du bonheur, nulle part ailleurs. Je vais m’absenter quelque temps. Alors sois souriant quand tu sors de ta maison, je serai alors ta route. Sois décidé en accomplissant ta marche, je serai ton horizon. Quand tu seras fatigué, un banc, un rocher ou n’importe quoi d’autre pour t’asseoir sera devant toi. Ne sois plus révolté. Sois évolutionnaire. L’échafaud rouille dans son néant. L’utopie a toujours été une arme et son bouclier. Rien d’autre. Ceux qui crient, voire hurlent pour convaincre, ignorent qu’ils n’atteindront jamais la hauteur du Silence. Il est l’écrin de la Vérité. Ce sera toujours sans violence que s’accomplit le Verbe Aimer.
M.L.