Grasse matinée

Grasse matinée

J’étire la langueur de ma paresse ajustable, les draps emmêlés dans mes jambes alors qu’à travers les volets, le jour est levé.  Je laisse tictacquer les minutes perdues pour la croissance, le développement, la concurrence et les chiffres d’affaires, les incohérences et conflits larvaires, tout ce fatras d’actus qui tuent. J’enfonce ma tête dans l’oreiller espérant retrouver une part de mes rêves où tous les humains de ce Monde quittent l’immonde et se donnent la main (la petite voix me dit : c’est pour demain). Dans la rue passe à toute vitesse une voiture conduite par un employé en retard qui va recevoir une giboulée de mots offerte par un patron sous pression car au-dessus un autre patron sous pression et très haut et très loin au-dessus, vautré sur un trône Ikea, le dieu Pognon. Le chat miaule dans le couloir réclamant sa pâtée, il peut bien attendre je suis trop bien étalé dans ma paresse à imaginer des fées se poser au pied de mon lit en me murmurant « avec un ou deux sucres le café ?) » Je souris, alangui, je suis un arbre couché dans la forêt des debout qui, tête baissée et menaces sur le cou se dirigent à pas lents et lourds vers une destinée inconnue où la plupart finiront leur nom gravé sur un monument. Mais un rayon de soleil ose violer mon intimité, se glissant par les volets et le ressentant comme une proposition bienveillante, je me décide et m’extrait de ma couche avec lenteur alors que le chat vient miauler à mes pieds. Je traine un peu les pieds et comme un pied-de-nez à tout le Monde et personne, je pète.

Michel Labeaume

28/12/23

Date de dernière mise à jour : 29/12/2023

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