Exhumation

Exhumation

 

 

Il a creusé, creusé tant et si bien qu’il a eu du mal à remonter. Alors il a embauché des ouvriers, il a acheté des esclaves, et de jours en jours, de journées sans fin en nuits sans sommeil, les soumis fournissent aux puissants le trésor, la richesse de leurs marches en avant. La Terre à elle seule est un trésor qu’il aurait fallu choyer. Au lieu de cela, on se l’accapare, on la détruit, on l’éventre pour des banques gonflées d’arnaques en arnaques avec le soutien sans faille de la plupart des médias. Croissance ! Croissance ! Croassance ! Les corbeaux noirs dans leurs alcôves se frottent les mains. La croissance c’est voler à nos enfants de demain.  Parfois, on dirait que l’homme veut dompter la Nature mais il ignore peut-être que la fourmi a mieux à faire que vaincre l’Everest.  Il suffit pour se convaincre de la Vérité d’aller un matin en pleine nature quand elle se réveille. Quand les chants des pinsons et autres annoncent quelque chose de nouveau : Le jour. Et ce n’est pas rien. Le Silence du matin est le premier bain de ce nouveau-né. Les mots que l’on peut alors se surprendre à prononcer face à cet enchantement ne seront toujours que des blessures infligées au Silence. Respect. Le chêne au feuillage immensément beau d’automne, le ruisseau qui s’amuse sous les feuillages à slalomer entre ses amis vénérables, branches levées, tout cet égrégore participe de l’ampleur amour-univers. Et l’homme creuse son tombeau, grave ses stèles dans le marbre pour éterniser. Les couronnes et les gerbes masquent mal les vérités.

Dans les grandes écoles, on maximise. Le doigt levé, le professeur : Vous êtes les dirigeants de demain ! La voix grave et monocorde ajoute à la gravité. Mais que sont vraiment ces intelligences prises en otage par l’ignorance qui les pétrit, les malmène à volonté et pour des résultats qui crèvent les journaux télévisés. S’y ajoutent, encore plus malsains, les débats sans fin d’ambassadeurs patentés, ayant le savoir borné dans tel domaine où tout est mélangé comme le sont les matières putrides d’une bouse de bovin. Pitié !

Qui es-tu ? Je suis une parcelle de cette terre, un morceau de ce caillou, les ailes de l’oiseau, un horizon nouveau, une montagne de joie au sommet de laquelle un phare invite les voyageurs perdus, les navigateurs secoués par les tempêtes de non-sens, à gravir et façonner à leur tour leur sommet de plénitude. Je suis ce bout de tract jeté au coin de la rue, cet ouvrier perdu dans la masse et criant son mal-être, ce peuple au fond de la forêt se réfugiant les uns contre les autres, entendant le bruit sourd des bulldozers. Je suis cette enfant restée en arrière, émergeant des gravats avec dans sa main une poupée pleine de sang. Je suis ce non-temps ayant brisé l’horloge. Je suis dans la solitude des dos courbés par le poids des labeurs. Je suis le courage mais je suis aussi la peur. La peur de vous savoir encore pour des années englués dans vos immondices. Je suis dans l’œil du précipice…

Je ne suis en somme qu’une fine faconde enveloppée dans l’âme et germant de temps en temps pour calmer ma rage. Je ne suis finalement qu’un humble jardinier admirant les terres fécondes où tout ce qui est beau peut-être semé. Je suis le sage. Je suis le révolté.

 

M.L. 22/11/2017

 

 

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