Comme une vieille pomme
Les temps viennent où la vieillesse sera considérée à juste titre comme une noblesse d’âme, de cœur, et d’ego dompté. Je me souviens de toi mamy, alors que j’étais venu te voir pour des soins tu m’as dit « je ne suis qu’une petite vieille toute ridée ». Je me souviens t’avoir dit « Quel bonheur vivez-vous là madame ! Chacune de vos rides est une histoire, un sillon dans lequel les larmes tant de joie que de peine ont coulé. Chacune de vos rides est fière de côtoyer ses voisines car ensemble elles créent l’écrin pour y sublimer votre sourire. Sachez madame que les autres qui vous rejettent et vous oublient c’est à une partie de leur cœur qu’ils tournent le dos, celle-là même qui vous a servi à vous montrer si merveilleuse et qui ne sera pas utilisée par eux et donc, la rancœur, le ressassement, le rejet total. Comprenez, madame, comprenez en voyant tous ces potentats croulant sous les honneurs et les spots et qui ont la peur au ventre du vieillissement, la peur de l’oubli, comprenez madame qu’ils n’auront vécu qu’artificiellement, chaque jour pour eux ayant été une souffrance quand ils n’étaient pas sous la lumière des spots. Quelle dictature ! Vous madame, votre joie pleine est d’aller préparer une soupe pour vous et votre homme, d’aller regarder au jardin les roses celles écloses et celles fanées. Vous pouvez encore sortir, même si l’escalier…Ces petites joies s’additionnent pour un bouquet final. Les autres, au cœur, ils auront mal…Ils ont cru jusqu’au bout posséder ! Et les voilà nus et tremblants. Nous ne sommes propriétaires que de notre âme. Le reste n’est que location. Aussi madame, si je me permets de vous louer c’est que des milliers de personnes comme vous, anonymes ô combien, ont façonné dans mon être profond un amour total, un amour fécond.
M.L.