Charrois

Dans les charrois

Je sais qu’il y aura toujours de ces aurores en rubans de pastels, divines de lumières et agrémentées de brume comme pour épicer ce mystère qui chaque jour, dévoile un peu de son aura. Je sais qu’il va bien falloir un jour que les puissants de ce Monde cessent enfin leur faconde non pour écouter le chant du Silence (ils ne sont pas encore prêts) mais pour laisser leur conscience murmurer l’appel, l’écho des sommets, des firmaments leur renvoyer un subtil éclat, comme un clin d‘oeil pour accepter l’éveil. Climat, économie, conquêtes, guerres, corruptions en tout genre ainsi que non-dits et mensonges remplissent les tombereaux de leur pestilence et leur poids. Jusqu’à la Santé gangrénée par le pouvoir de l’argent. Les volontaires pour mener ce charroi au bord de l’abîme d’où le néant va surgir pour avaler ces immondices sont déjà couronnés. Ils sont ces gens de la rue, tous ces anonymes n’ayant jamais désespéré de l’être humain, sans autre ambition qu’encenser la vie, sans chercher à gravir ces échelons stupides menant à la morgue, la suffisance et la langue de bois.  Magnats, potentats, autocrates et princes en seront pour leurs frais de voir tout ce qu’ils ont accumulé comme n’étant que mirages évanescents dans le désert de leurs illusions. Les peuples ne prendront pas le pouvoir, non. Il se donneront la main.  Une évidence va éclore dans l’esprit des créateurs, artistes qui vont s’en donner à cœur joie pour souligner cette vérité : l’Humanité est un ensemble hétérogène de pèlerins sur quelques milliards d’itinéraires différents mais tous vers un même but.

 Tout ce qu’ils sacralisent, ne serait-ce pas pour nous faire baisser la tête ? Et si finalement, c’était la Vie, pleine et entière, qui est sacrée depuis les tout premiers temps ? Ce sacrement du Vivant pousse l’homme à faire comme l’arbre, lever les bras au ciel, se nourrir de ce qu’il offre et de cette substance s’en nourrir, nuit et jour, nectar des nectars. L’homme debout. Enfin.

Ce n’est pas parce qu’on ne connaît pas les dimensions de l’Univers qu’il faut prendre comme étalon notre bêtise, nos refus de voir nos comportements comme inappropriés dans cette si sublime Création.

Le « dominanti » ne peut faire un pas sans penser à conquérir, à s’enrichir, à concocter moults plans sournois pour arriver à ses fins. C’est un malade.

                La lumière pâlit. Le vent se calme quand soudain le ponant s’enflamme. Des brindilles de lumière s’accrochent aux charmilles, aux buissons, habités par des ramages paisibles. L’étang est miroir. Un martin-pêcheur, posé sur une branche au-dessus de l’eau lance son cri strident avant de s’envoler, rapide. Le crépuscule apporte les premières étoiles et un peu plus tard c’est une pluie de constellations qui couronne ce début de nuit. J’y devine des langages mystérieux, des souffles de confiance, des silences rassurants surgis d’une galaxie lointaine. L’homme a perdu son regard. Il ne sait plus admirer. Il ne fait que voir car devant ses yeux perdus tous les déboires d’une humanité abattue. Je dirai même que l’homme actuel ne vit qu’une partie rescapée de lui-même. Pourtant, pourtant je sais que surgira de la Source cette Aube nouvelle, prélude au grand Changement. Il ne peut en être autrement.

Bien sûr, il y aura toujours de ces instants de faiblesse, de lassitude, mais là où la magie divine opère, c’est en abreuvant l’assoiffé de quelques gouttes de Silence. Alors la Certitude se déploie, immense, m’invitant à la suivre avec un seul but : toujours continuer la marche en avant. Toujours laisser quelques larmes venir en voyant se déployer du haut d’un belvédère des horizons de toute beauté. Et des rencontres. Et des peuples à écouter. Participer avec eux à ce grand feu de joie en dansant et en chantant la joie. Rien que la joie.    

Michel Labeaume

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