17 octobre 2015, polyclinique du Maine, Laval, chirurgie digestive.
Mesdames et messieurs les politiciens.
Le moins que je puisse dire, c’est que vous m’inspirez et tout autant les médias qui, à l’affût du moindre écart de votre part, se précipitent vers leur clavier.
Avec, en ce jour du 17 octobre 2015, ma stomie et ma sonde vésicale qui, depuis une éternité de quelques jours entravent mes mouvements, je me sens relativement bien. Très bien même. Car, ainsi accoutré, me voilà libéré des contraintes monarchiques élisabéthaines quotidiennes, à savoir, poser mon cul sur le trône. Je me sens vraiment responsable de mes excréments et autres déchets. Je ne vous ressemble en aucune façon, vous qui déversez continuellement sur le peuple le résultat stercoral de vos agapes intellectuelles.
Conférence sociale
Dans le gros navion présidentiel
« Air Flanby One »
Le salon sobrement décoré
Est murmuré
De journalistes sélectionnés.
Le président préside,
Le regard haut,
La bouche finement scellée,
Le sérieux du sérieux
Dans les Hautes sphères de l’Elysée.
Monsieur le président !
Cette conférence sociale
Fait suite aux récents évènements
A Air France.
Comprenez,
Attaque Flanby,
On peut éviter les licenciements !
Je demande aux patrons
D’être responsables !
En bas,
Tout en bas,
Dans la dure réalité,
Martine n’essuie même plus ses larmes.
Son corps est secoué
Son corps d’ouvrière licenciée,
Secoué de spasmes
Et de colère rentrée.
Et ici,
Et là-bas
Dans les lumineux bureaux
Des grands patrons,
On a le regard droit,
La bouche finement fermée
Par un sourire narquois.
Le sérieux du sérieux
Dans les Hautes sphères
Du grisbi,
Du profit,
Et du blé.
Dans « Air Flanby One »,
Là-haut,
Tout là-haut,
On repose sa tasse de café.
La pose a été courte.
Et l’on reprend :
J’ai demandé
Avance avec douceur
Et fermeté
Flanby,
J’ai demandé,
J’ai demandé,
J’ai demandé,
J’ai demandé…
La main droite s’ouvre
Comme un dossier
L’index à peine levé.
Et soudain,
La tribu des patentés
Hésite, tâtonne,
Elle a envie
De tester tonton
Avec quelques tocades
Tendancieuses,
Et sans tabou,
Mais on se ravise,
Les questions vicieuses
A cette altitude
Ca n’est pas sérieux.
En bas,
Tout en bas
Dans la fange de la réalité
On assiste aux ruées quotidiennes
Vers la récolte des fruits
De la richesse,
Du profit,
Du posséder,
Du pouvoir et
Du dominer.
Ruées qui précipitent
Les idiots aux serres puissantes
Vers un temps perdu
Et la mort innocente
Qui, au bout du compte,
Se fend la poire.
Sale harde de fruits…
Pas joli, pas joli
Ouvrons la parenthèse :
Des stars botoxées
Freinent leur poussée
Vers l’inéluctable
Avec des lèvres
De gourami
Et des mamelles d’étables.
On se précipite vers quoi ?
En oubliant le Présent
Et Lui, reste comme un con
Avec ses cadeaux non donnés.
On se dit :
Vivement la retraite
Et quand elle est tombée
Dans les porte-monnaie,
On se gratte la tête
En se tournant vers le passé.
Fermons la parenthèse.
Dans les Hautes sphères
Etre à un tel niveau
De mépris
Ne mérite qu’une chose :
Le prix Nobel de l’apnée.
Plongée dans les sondages,
Dans les grands fonds
Et les abysses
S’enfoncent les dominants.
La politique
Est une épave
Qui pourrit l’océan.
Poseidon est en colère,
Il affûte son trident.
Gaïa est amère,
Tsunami devant.
Peut-être faudrait-il
Deux Mondes distincts :
Celui d’en-haut
Celui des dirigeants
Et dans les vallées profondes,
Celui des soumis, des enchaînés,
Pourvoyeurs d’argent.
Et avec, de temps en temps,
Une petite guerre,
Histoire de tester
Le bel armement,
Les écoles de guerres
Et leurs généraux arrogants.
Les états-majors seront aux dominants.
Et les soumis sous la terre,
Ecrasés sous les pierres
Feront de beaux cimetières
Avec de beaux monuments.
Julien a rejoint Martine
Dans le torrent de la misère
Et du « rien devant ».
Radeaux de naufragés.
Ont suivi Paul,
Adeline,
Youssef et aussi Roland
Et avec eux des milliers de perdus
Des millions de gens.
Exode,
Déracinement.
Là-haut dans le Grand Monde
On sabre le champagne :
Les Bourses ont percé les plafonds !
Ejaculé le pognon !
Là-bas, tout en bas,
Tout en bas,
On sabre le désert,
En déversant le sang.
Dans la rue,
Le blanc n’aime pas le noir,
Le marron non plus.
Le gris se fait petit
Le peau-rouge
Est enterré sous son tipi
Le jaune est enchevêtré
Dans les rouages bien huilés
De l’économie,
Produit, produit,
Produit.
Le grand peintre de la Vie
Est alité.
Allongé dans son lit.
Il s’est emmêlé les pinceaux.
Et a chuté.
Reposez-vous bien !
Lui dit le médecin.
Vous avez besoin
De reprendre des couleurs !
Nationalismes exacerbés,
Miradors et barbelés
Murs, murs
Face aux cris des réfugiés
Tortures et opprimés !
Où est l’humain ?
Enfermé dans un placard,
Lui-même dans une armoire
En attendant d’utopiques
Lendemains.
La clé est détenue
Par des Cerbère
Musclés et rasés
Tatoués, habillés de noir,
Certains bien marinés…,
Le visage fermé, buriné,
Grassement payés,
Ils font de la muscu
Dans des salles privées ;
Et roulent en Golf turbo
Suralimentées.
« AIR Flanby One »
Toujours en altitude,
Ronronne comme un gros chat
En pilote automatique
Le gros navion.
Oui, oui
Comme un cri,
Les pauvres
Sont des échecs sans provision
Avec les riches
Sur leurs talons
Et les cheikhs
A l’horizon.
Débits débiles.
Qu’importe !
Les comptables font leur boulot
Et le soir à 17 heures
Ils claquent leurs dossiers
Mettent leur chapeau
Et en sortant
Passent, en grimaçant,
Au-dessus du miséreux
Qui boit un coup de blanc.
Mon père, de son vivant,
Disait :
C’est comme ça,
C’est pas autrement.
Eh bien non Papa !
J’ai décidé mon chemin
En pensant autrement.
« Air Flanby One »
Tourne autour de Roissy.
Ce soir à l’Elysée
Champagne et canapés
Avec un petit orchestre
Et des dizaines de serviles
Avec un balai dans le cul
Toisant l’assemblée
Pendant que les rombières
A la façade ravalée
A grands coups de truelle
Minauderont
Leur jeunesse enfouie.
Mais ici,
Ici au bord de mon âme
Dans mon lit d’hôpital
La colère et les larmes
Me font mal, mal.
Colère de devoir appeler
Ces gens les élites.
Pauvres gens !
Finalement,
Si l’on sait la Vie
On sait qu’ils perdent leur temps
Farcis d’illusions.
Mais c’est grave
Et ça ne devient plus tolérable
Quand ils envoient
Au casse-pipe
Ceux-là mêmes
Qu’ils ponctionnent.
Plus rien ne fonctionne
Et des médias
Les mains posées
Sur leur ventre bien arrondi,
Rotant leur suffisance
Et leur mépris
Sinuent tels des serpents
Dans la nourriture
Insipide
Des dissentiments.
Mais ici,
Ici au bord de mon âme,
A la surface de mes rêves
J’entre dans un Eden
Sacrifié
Où ronces et orties,
Chardons et liserons
Ont tout envahi.
…
La Rose est enfouie.
…
Adossés au mur
De la honte
Et des lamentations
Le squelette d’Adam
Et celui d’Eve
Les orbites vides
Abaissées
Sur une Terre dévastée.
Les religions
Et leurs pouvoirs temporels
Ont ensaigné
Sur le grand Autel
Le prix de la soumission.
Les dictateurs
Sont des totems
Abattus par des anathèmes
Eux-mêmes dictés
Par des politiciens corrompus
A leurs milices éparpillées.
La Vérité
Est une petite vieille
Courbée, tirant son caddie,
Le regard baissé,
A petits pas soignés
Vers le marché du samedi.
Les non-dits s’accumulent.
Polichinelle est en haillons
Vautré sous un perron
Quémandant une pièce.
La Poésie, l’Amour,
L’Humanité,
Trois pétales
D’une fleur fanée
Arrosée avec condescendance
Par des satrapes ventrus.
Je ne sais pourtant
Si l’Aube nouvelle
Aura séjourné trop longtemps
Dans la grande escarcelle
De l’éternité du Vent.
…
Le bélier veut passer la clôture,
Il se blesse le front.
…
Des millions de mal-nourris
Restent au rang
Des fatalités
Pendant que l’argent et les pouvoirs
Font éructer les dominants.
Les grands penseurs
De notre Temps
Déroulent leurs hiéroglyphes
Dans le grand musée du Vent
Ils sont en bonne place.
La Vérité
Est une salle d’attente
Remplie d’êtres fragiles
Ayant dans le regard
L’espoir d’être guéris.
Allons Enfants de l’apathie
Il faut vous réveiller.
Abreuvez vos chants
De Foi renouvelée.
Les sillons sont à nourrir
De bons grains pour l’épi.
Merci belle Colombe
Je sais où est ton Nid.
La Source de ton Vol,
Si loin dans l’Un-fini
Sans dièse et sans bémol
Est le chant de mon Oui.
Michel Labeaume
20 octobre 2015
Polyclinique du Maine.
Ch. 214