Bourgeon
Que c’est donc triste un bourgeon refusant de s’ouvrir. Il se ferme pour garder ce qu’il a, rien que pour lui et se pavaner en arborant sa force. Sa dureté. S’il a du bagou, il va tenter de séduire et d’autres bourgeons, hors de toute sensibilité, vont adhérer à ses propos, sa harangue faisant de lui un puissant leader. Ainsi, une armée de poings fermes brandit ses diatribes, voulant écraser toute opposition quelle qu’elle puisse être, même pacifiste. On en est là. Mais rien n’est perdu. Ne l’a jamais été d’ailleurs. Alors, même si trop de bourgeons fermés montrent leur puissance, l’homme aura toujours les moyens, si tant est qu’il ose, de trouver en lui, dans le cœur de son âme, le bourgeon. Son bourgeon.
L’intuition peut l’aider et il va pouvoir s’ouvrir. Tout en regardant avec dépit les bourgeons fermés se dessécher, vieillir bien mal dans leur aigreur, ayant refusé de donner à la lumière tous les trésors qu’il contenait, l’homme au bourgeon vibrant sent en lui s’ouvrir les jeunes pièces foliaires en même temps que des frémissements de joie. Ce sera toute une corolle qui va s’épanouir, réclamant, avec sa beauté, son parfum, sa force de vie, un échange fructueux. Fleur et fruit seront cette moisson jamais finie car à chaque palier, c’est un Eden d’éternité qui va se découvrir. Peut-être même jusqu’à l’extase ira-t-il, cet être ayant osé aller au-delà des boniments et des dogmes soporifiques. Et si la Vie n'était rien d’autre qu’un pèlerinage de la joie ?
Il y aura toujours le choix. Nous ne sommes pas des androïdes obéissants. Chacun d’entre nous est une part infime de la Création. Reste à la découvrir et l’offrir. C’est le seul moyen pour recevoir et surtout s’enrichir vraiment.
Le refus d’être soi-même conduit aux pires déguisements. Il faut cesser ce carnaval où des défilés menés par des fantoches entraînent derrière eux toute une armée de somnambules.
L’homme d’aujourd’hui ne vit qu’une partie rescapée de lui-même.
Michel Labeaume